10 milliards de FCFA, C’est ce que le Togo perd chaque année du fait de la petite corruption. Un montant colossal pour un pays qui a besoin de ressources pour financer son développement. Malgré les réformes, la corruption est toujours présente et annihile les efforts de développement.

Togo, champion des réformes

Les pays en développement ont besoin d’investissements pour financer leur développement. C’est dans ce sens que depuis plusieurs années, les autorités togolaises multiplient les réformes afin de rendre le pays plus attractif pour les investisseurs. Parmi ces réformes, la création de la Haute Autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA), par la loi n° 2015-006 du 28 juillet 2015. Un dispositif qui rassure les investisseurs.

Il y a aussi l’avènement du Ministère de la Promotion de l’Investissement, et la création de la Cellule du climat des affaires, placée sous la tutelle directe du chef de l’État. La réactualisation de la loi sur la déclaration des biens et avoirs est un volet important de ces réformes. La Cour des comptes et l’Inspection générale de l’État (IGE) constituent, entre autres, des instruments de lutte contre la corruption. Est-ce que ces réformes portent leurs fruits ?

Selon le ministère chargé de la promotion des investissements, le Togo a reçu près de 191 milliards FCFA d’Investissements Directs Etrangers (IDE) en 2019, et plus de 352 milliards en 2020. Une tendance haussière. Tous ces investissements seront improductifs si la corruption n’est pas combattue.

Des allégations de corruption

Parmi les affaires traitées par la HAPLUCIA, se trouve le dossier de la route nationale N°34 Lomé-Vogan-Anfoin dont les travaux commencé en 2014 n’ont pu s’achever qu’en 2021. Avec 57 milliards FCFA d’investissement contre 36 milliards initialement prévus. « C’est un projet qui avait connu d’énormes difficultés », concède le Premier Ministre, Mme Victoire Tomégah-Dogbé, lors de sa visite du chantier, le 11 novembre 2020.

Le chantier aurait été émaillé de faits de corruption. Le dossier transmis à la justice par la HAPLUCIA n’a pas encore situé les responsabilités. Une chose est certaine, après leur démarrage, les travaux ont été suspendus pendant des années avant de reprendre avec une autre entreprise, la China Road and Bridge Corporation (CRBC). Elle a reçu 31 milliards FCFA. 26 milliards avaient été débloqués au profit de CECO BTP qui n’a pu finir les travaux.

Pendant les années d’arrêt des travaux, les riverains et tous ceux qui empruntent cette voie ont été malheureusement impactés. Rallonge du temps du trajet, augmentation officieuse des frais de transport, embourbement des voitures en saison des pluies et nuage de poussières en saison sèche, etc. Nous sommes allés à la rencontre d’usagers qui racontent ce qu’ils ont vécu.

« Aujourd’hui, la route est très bonne. On arrive à Lomé facilement. Quand je commence ma journée tôt, je peux faire jusqu’à trois allers-retours. Le marché de Vogan aussi s’anime mieux », se réjouit un chauffeur surnommé ‘‘Autrement’’. « Avant, c’était tout simplement un calvaire. J’ai beaucoup dépensé dans les réparations de ma voiture », se plaint-il.

Beaucoup de ressortissants de la préfecture de Vo ont abandonné la nationale N°34 au profit de la nationale N°2 Lomé-Aného, afin d’éviter la boue ou la poussière. C’est le cas de M. Akakpo Adanto, originaire du village de Vo-Tokpli dans la commune Vo 1. « C’était une route poussiéreuse et en très mauvais état. Je l’ai empruntée une fois et je n’y suis plus retourné, jusqu’à la fin des travaux », se souvient-il.

L’état de la route constituait aussi un frein aux activités de dame Logo Afiwa, commerçante habitant le village de Wogba, à environ 5 km du centre-ville de Vogan. « On avait beaucoup de difficultés à écouler nos produits à cause de l’état de la route. J’étais obligée de vendre mon gari, mes huiles, mes céréales et mes volailles au marché de Togoville (environ 8 km de distance, NDLR) au lieu de venir à Lomé où je pouvais les vendre plus cher », explique-t-elle.

L’arrêt des travaux de la route Lomé-Vogan-Anfoin a impacté les activités économiques des populations. Au-delà du fait que le projet financé n’est pas réalisé, les fonds auraient pu servir à satisfaire d’autres besoins. La corruption engendre une double perte pour le développement.

Le double impact de la corruption sur le développement

Dans le budget citoyen exercice 2024, le gouvernement a annoncé la construction de 514 salles de classe pour un coût estimatif de 4 milliards FCFA. Cela revient à environ 7,8 millions FCFA par salle de classe. Avec les 26 milliards initialement débloqués pour la route Lomé-Vogan-Anfoin, on peut construire 3333 salles de classe. A raison de 50 élèves par salle de classe, ce sont près de 170 milles bénéficiaires.

Il est également prévu des repas de cantines scolaires pour plus de 160 milles élèves. Le budget est de 2,376 milliards FCFA, soit environ 15.000 FCFA de dépense pour chaque bénéficiaire. Avec 26 milliards FCFA, l’État peut assurer la cantine scolaire à 1,5 millions d’élèves durant toute une année scolaire. C’est la moitié du nombre d’élèves enregistrés pour l’année scolaire 2024-2025.

En matière de santé, le gouvernement prévoit la prise en charge des enfants souffrant de malnutrition aiguë. Pour le budget 2024, les autorités envisagent des dépenses à hauteur de 138 millions de FCFA pour 34.249 enfants. Si l’État récupère les 600 millions de FCFA de dépenses injustifiées des fonds alloués pour la CAN 2017, il pourrait prendre en charge trois fois plus d’enfants, ou garantir le financement pour trois années consécutives.

L’accès à l’eau potable et à l’assainissement fait partie des priorités inscrites dans la feuille de route gouvernementale  (FDR) Togo 2025. Pour l’installation de 432 forages équipés de pompes à motricité humaine (PMH) prévue en 2024, le gouvernement alloue 3,24 milliards FCFA. Chaque forage va ainsi coûter près de 7,5 millions FCFA. Avec 600 millions de FCFA supplémentaires, on peut réaliser 80 forages de plus dans les régions concernées, notamment la Kara et les Savanes. Chaque forage dessert en moyenne 250 personnes en milieu rural, selon les données du ministère en charge de l’Eau. Avec 80 forages, ce sont 20 milles personnes qui ont accès à l’eau potable et sont protégées contre les maladies hydriques. Seule une population en bonne santé peut contribuer au développement du pays.

Depuis quelques années, le gouvernement intensifie ses efforts en vue de parvenir à l’accès à l’énergie pour tous. Beaucoup de projets d’électrification ont été réalisés en ce sens, mais les besoins existent encore et il faut les financer. Avec moins de 60.000 FCFA, prix subventionné et payable en 36 mensualités, près de 200 milles foyers vont bénéficier de kits solaires à l’horizon 2025. Avec 26 milliards FCFA, il y aura deux fois plus de bénéficiaires avec la possibilité d’une prise en charge totale par l’Etat.   

Un autre pan important du développement reste la connectivité entre les localités. En 2024, 53 milliards de FCFA ont été investis dans l’extension du réseau routier avec la réalisation de 4.000 km de pistes rurales. Cela facilite l’accès des populations rurales aux services socioéconomiques de base, et l’écoulement des produits agricoles. Sans ces pistes, beaucoup de producteurs ne pourraient acheminer leurs produits jusqu’au marché, risquant ainsi de les perdre comme c’est souvent le cas.     

De l’agriculture, au tourisme en passant par la transformation digitale, le sport, la culture, la justice, l’enseignement supérieur, etc. d’énormes investissements sont nécessaires. Chaque franc CFA détourné est une façon de dépouiller l’État et condamner ses citoyens à la pauvreté. Sans oublier la petite corruption qui prive l’État de près de 10 milliards FCFA par an. La corruption est un cancer qui ronge le développement et impacte tout le monde. Raison pour laquelle le président de la Haplucia, M. Aba Kimélabalou a pu déclarer lors d’une récente interview : « Tout le monde souffre des méfaits de la corruption ». (Source : Les Coulisses)

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